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Sans compromis
1 novembre 2007

La fessée dans l'Illustré

La gifle

Par Christophe Passer, rédacteur en chef

«Ce qui étonne, à lire ces histoires d’enfance, c’est leur précision absolue, la main d’une maman ou d’un papa qui frappe, alors qu’on avait 5, 7 ou 10 ans. Ce ne sont pas des souvenirs pour rire»

Le café du Commerce y trouvera de lourds sacs de grain à moudre. Gifles et fessées aux enfants: leur utilité, leur côté inévitable ou pas, petits drames, regrets éventuels ou au contraire façon d’assumer une éducation qui soit parfois punitive et carrée. Les arguments de tout ordre résonnent ici bien souvent comme l’écho de souvenirs personnels, expériences reçues ou données, l’affaire demeurant du domaine de l’émotion.

Il faut pourtant reconnaître que cette dernière n’est pas forcément mauvaise conseillère, si l’on prend la peine de l’écouter. Par les témoignages qu’ils expriment cette semaine dans L’illustré (lire page 38), des personnalités romandes racontent des gifles reçues autrefois, et les conséquences qu’elles eurent sur la réaction face à leurs propres rejetons. Ce qui étonne, à lire ces histoires d’enfance, c’est leur précision absolue, leur réminiscence éternelle, la mémoire inscrite à jamais dans la main d’une maman ou d’un papa qui frappe, pour une colère ou une bêtise, alors qu’on avait 5, 7 ou 10 ans. Ce ne sont pas des souvenirs pour rire, quel que soit l’amusant de l’anecdote, le passionnel du scénario familial qui finit par une taloche. Ce sont des brûlures vraies, pour toujours, rougeur à la joue, la honte ou la frustration qui remontent, à chaque fois que l’on raconte. Refuser ou répéter le modèle est ensuite l’aventure de chacune et de chacun.

Il faut avoir cela à l’esprit à l’heure où une commission du Conseil national envisage, à l’exemple d’autres pays d’Europe, de condamner par une loi l’ensemble des châtiments corporels, incluant gifles et fessées. Le premier mouvement est dubitatif: qui sont ces législateurs qui entendent donner leçon jusque dans l’intime des familles? Et puis le «pétage de plombs», rare ou épisodique, menace d’évidence un jour ou l’autre tous ceux qui font le beau et si difficile métier de parent. Ne sommes-nous pas en train d’exagérer gravement, en imaginant la gifle aux enfants comme un délit?

La manière dont les giflés s’en souviennent devrait pourtant faire songer. Il n’y a rien d’anodin à coller une baffe à un enfant: la perte de contrôle est aussi une claque dans la confiance qu’il vous porte, s’en excuser en se racontant qu’il s’agissait de la seule solution ne suffit pas toujours à réparer. Il n’y a aucune bien-pensance laxiste là-dedans: juste le constat de la violence des souvenirs, de la blessure restée ouverte. Un projet de loi ne réglerait sûrement pas tout cela. Il ne transformerait rien du jour au lendemain. Mais il atteindrait déjà son but en désignant un courageux chemin d’humanité: celui qui préfère la parole aux coups. Ce ne serait déjà pas si mal.

http://www.illustre.ch/index.cfm?id=2582

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